Il est à noter que dans le cadre d’une transition écologique qui doit s’accélérer, on ne peut que regretter que l’Etat et certains élus locaux s’entêtent dans un projet qui ne résoudra pas, les problèmes identifiés au départ du projet, et entrainera donc une dépense publique conséquente (plus de 45 millions d’euros) pour aucun gains ni économique, ni environnemental !
Le projet d’aménagement de la RN 85 ne nous semble pas justifié pour les raisons suivantes :
Un projet qui a débuté en 1986 (Grande Liaison d’Aménagement du Territoire Grenoble Nice) et qui aujourd’hui se trouve en contradiction avec les principaux engagements prit :
- par l Etat : transition énergétique, transition écologique, stratégie nationale bas-carbone, zéro artificialisation nette => baisse de 50% des GES d’ici 2030 et neutralité en 2050, faire passer 30 % du transport routier de marchandises vers d’autres modes de transport tels que le rail ou le bateau d’ici à 2030, et plus de 50 % d’ici à 2050
Dans le domaine de la mobilité urbaine et individuelle, la part des véhicules utilisant en centre-ville des « carburants traditionnels » doit être réduite de moitié d’ici à 2030 et être complètement éliminée d’ici à 2050
Par ailleurs Mr Macron a dit le 23 septembre 2019 « On ne peut pas prétendre lutter contre le réchauffement climatique et continuer à financer des infrastructures en France qui augmentent les émissions de co². Là encore nous seront cohérents si elles polluent, nous ne les fiancerons pas ».
La Première ministre, Élisabeth Borne, a dévoilé le 24 février 2023, les grandes lignes du plan d’avenir pour les transports. 100 milliards d’euros seront investis dans le développement du train d’ici à 2040, a-t-elle promis. Dont 84,3 milliards d’euros pour la période 2023-2027. La Première ministre assure que les infrastructures doivent permettre aux Français de « modifier leurs usages » mais aussi « permettre l’intermodalité ». « Des mouvements radicaux sont nécessaires, des changements dans nos modes de vie s’imposent ». « Des décisions fortes sont à prendre ». « Nous faisons donc le choix d’investir en priorité dans les infrastructures qui nous permettront de réussir la transition écologique, à commencer par le ferroviaire, qui est la colonne vertébrale des mobilités ».
- la Région
« Votre mobilité, ma priorité »
Le plan climat avec lequel la Région s’engage à :
- Encourager un report massif de la voiture individuelle vers les transports collectifs,
- Innover pour des transports le moins polluants possibles,
- Accompagner le changement des comportements vers une mobilité douce et durable.
- Un plan d’action pour :
- Intensifier l’offre de transport ferroviaire et routière et développer la complémentarité entre le réseau des cars et des trains,
- Développer une intermodalité efficace et mettre en œuvre des transports collectifs urbains hautement performants,
- Promouvoir les transports collectifs, informer le grand public sur les offres de transport alternatif à la voiture et accompagner le changement de comportements.
- par le PCAET de Provence Alpes Agglomération
Le Plan Climat Air Énergie Territorial (PCAET) est un projet territorial de développement durable qui s’applique à l’échelle de Provence Alpes Agglomération et doit répondre à 4 finalités :
- traduire l’action du territoire vers la transition énergétique (sobriété-efficacité-énergies renouvelables) ;
- lutter contre le changement climatique ;
- améliorer la qualité de l’air ;
- adapter le territoire aux conséquences de ce changement.
Le PCAET est mis en place pour une durée de 6 ans à compter de son approbation par le Préfet de Région. Il doit prendre en compte les objectifs nationaux inscrits dans la loi sur la transition énergétique à l’horizon 2030 :
- réduction de 40 % des émissions de GES par rapport à 1990 ;
- réduction de 20 % de la consommation énergétique finale par rapport à 2012 ;
- 32 % d’énergies renouvelables dans la consommation finale d’énergie.
Les objectifs de la DUP sont pour partie devenus caduc
- Le renforcement de la sécurité des usagers, supprimé partiellement suite à l’abandon de nombreuses voies d’accès pour les riverains !
- La fiabilisation des temps de parcours, suite à la réduction de la vitesse de 90 km/h à 80 km/h et en constatant les vitesses moyennes, le temps de parcours en heures pleine ne pourra être amélioré. La dégradation principale du temps n’étant pas dû au nombre d’usagers mais au comportement de certains usagers de la route qui ne s’insèrent pas dans le trafic.
- L’amélioration du cadre de vie des riverains, supprimé par la destruction du milieu naturel et agricole sur plusieurs hectares et par la création d’infrastructures routières à proximité de certains bâtiments.
Rappelons qu’il est précisé dans les enjeux socio-économiques, les enjeux d’aménagement:
- L’amélioration de l’accès à la ville de Digne les Bains, la facilitation des accès à l’autoroute A51, non réalisé par le projet car il n’y aura aucun gain de temps et pas de mode de transport alternatif pour ceux qui n’ont pas d’automobile (plus de 40% dans certains iris de Digne les Bains).
- La Préservation des richesses écologiques des espaces naturels, du cadre de vie, du réseau hydraulique et des activités agricoles, non réalisé car il est demandé de porter atteinte à des espaces naturels riches en biodiversité ainsi qu’à des espèces protégées !
L’artificialisation des terres y compris celles comprenant des zones humides
- La mise en place progressive du Zéro artificialisation nette dont les décrets viennent de paraitre.
- La préservation de la biodiversité par la stratégie nationale biodiversité sur un périmètre dont la richesse est reconnue par l’étude environnementale avec la présence de plusieurs espèces protégées.
La baisse du trafic entre Malijai et Digne-les-Bains
- La justification initiale du projet est la hausse prévisible du trafic à l’horizon 2020-2025 alors que c’est l’inverse qui est constaté depuis plusieurs années
Les alternatives de déplacement pour les populations concernées n’ont pas été étudiées
- Alors que les politiques publiques plaident pour le développement d’alternatives à l’automobile et que la vallée comprend une voie ferrée non valorisée et qu’en 2014 la Région a demandé le transfert de la voie ferrée pour une exploitation par sa Régie Régionale des Transports, l’Etat n’a pas donné suite et à même envisager une destruction partielle du domaine public ferroviaire pour réaliser le projet routier.
- L’Etat n’a pas soutenu le projet régional de réactivation souhaité par la Région en 2014 avec proposition d’inscription au CPER 2015-2021
- La Mairie de Digne les Bains a refusé l’inscription du projet ferroviaire au CPER en 2014, préférant prioriser le projet routier.
- Lors du Grand Lab l’Etat n’a pas exprimer le souhait d’une réactivation rapide, seule solution qui permettrait une baisse important du trafic routier et pourrait ainsi améliorer la sécurité routière.
- Les tracés pour favoriser l’usage de proximité du vélo hors route à grande circulation et le tracé alternatif pour le cyclotourisme par la D12 et la D8, n’ont pas été étudiés.
L’alternative en transport en commun a été étudié en 2014 par l’étude de la Région confié au Cabinet Transamo mais n’a pas été prise en compte par la DREAL dans le projet d’aménagement de RN 85.
La destruction d’un pont-rail sur la voie ferrée pour faciliter l’accès aux Molières, alors qu’il est plus simple de créer un accès via la voie du pré de l’escale et la ruine de Trémorel, permettant de ne pas compromettre l’avenir de la voie ferrée et de faciliter la création d’un voie verte le long de la RN 85 à cet endroit.
Destruction de la biodiversité et destruction de zone humide en contradiction avec les annonces et les engagements gouvernementaux.
La Première ministre a présenté le 27 novembre 2023 la Stratégie nationale biodiversité 2030, pour stopper puis inverser l’effondrement de la biodiversité. Elle dessine notre chemin pour atteindre la vision 2050 du cadre mondial de la biodiversité adopté fin 2022 à Montréal lors de la COP15. Elle se décline en 4 axes :
- réduire les pressions qui s’exercent sur la biodiversité,
- restaurer la biodiversité dégradée partout où c’est possible,
- mobiliser tous les acteurs,
- garantir les moyens d’atteindre ces ambitions.
Alors que l’inventaire des espaces concernés par le projet est très riche
Témoignant d’une grande richesse et diversité de milieux, trente-cinq habitats naturels ont été recensés dans la zone d’étude, parmi lesquels figurent des milieux pionniers alluviaux, des ruisseaux, adoux et canaux, des roselières, forêts alluviales, garrigues, milieux rocheux, etc.
En réponse à la recommandation de l’Ae, l’inventaire des poissons, crustacés et mollusques a été réalisé en 2018, afin de compléter l’état initial. Si les présences potentielles de l’Écrevisse à piedsblancs, du Barbeau méridional et du Blageon n’ont pas été confirmées, celles de l’Apron du Rhône et de la Truite fario l’ont été.
Les autres inventaires ont été mis à jour par des prospections sur le terrain en 2021.
De nombreuses espèces d’oiseaux ont été recensées (près de cent), dont une à enjeu qualifié de « très fort » (Moineau friquet) et dix-neuf espèces de chauves-souris dont six à enjeu fort (Barbastelle d’Europe, Petit rhinolophe, Grand rhinolophe, Minioptère de Schreibers, Molosse de Cestoni, Murin de Capaccini). D’autres espèces à enjeu fort ou très fort sont présentes, notamment des mammifères aquatiques (Castor d’Europe, Campagnol amphibie, Crossope aquatique), des amphibiens, des reptiles, des poissons et des insectes (dont quatre à enjeu fort : Grillon des torrents, Tridactyle panaché, Tétrix grisâtre, Cicindèle des sables)
Impacts sur les zones humides
L’inventaire des zones humides a été totalement repris et permet d’identifier deux zones humides (4 800 m² et 2 100 m²) susceptibles d’être affectées par le projet. Elles sont situées de part et d’autre d’une route, en terrain agricole. Au total, 1 830 m² seraient affectés.
Le financement, d’une infrastructure de compétence nationale, majoritairement (40% Région, 18% Département et 2 % Agglomération) par des fonds locaux des collectivités territoriales dont certaines n’ont pas la compétence pour participer à ce financement.
Les Avis CNPN ET AE qui précisent les impacts importants du projet sur l’environnement et l’absence d’alternatives étudiées
AVIS DU CONSEIL NATIONAL DE LA PROTECTION DE LA NATURE
Le CNPN note que, si l’implantation de giratoires au droit des carrefours existants procède d’une sécurisation de l’infrastructure routière, la création de quatre créneaux de dépassement représente en revanche une volonté d’accompagnement de l’augmentation du trafic automobile sur cet axe. A contre-courant des politiques publiques de favorisation des transports en commun, ce projet de fluidification des déplacements automobiles individuels et de réduction des temps de trajet (augmentation des facilités de dépassements et donc des vitesses moyennes sur l’axe routier) n’apparaît pas répondre à un intérêt public majeur. Les différents aménagements prévus au projet ne procèdent donc pas du même intérêt légitime.
Absence de solution alternative satisfaisante
Le CNPN relève toutefois que le projet, et notamment la création de quatre zones de dépassement, aurait pu être évité à la faveur du développement d’une alternative au transport automobile individuel permettant la diminution du flux de véhicules. Cette composante du projet souffre d’une incompatibilité avec l’exigence réglementaire de recherche d’alternative satisfaisante puisque aucune des variantes étudiées n’a porté sur le développement d’une alternative au transport individuel.
On remarque aussi que les mesures de compensation sont prévues sur des « parcelles en cours d’acquisition foncière par la DREAL », sans qu’aucune indication de date et mise en œuvre des mesures ne soit donc avancée. Or, la loi prévoit que les mesures doivent être effectives avant le commencement des travaux.
Le CNPN s’interroge cependant sur le niveau d’enjeu évalué concernant les mammifères aquatiques (moyen à fort). La présence de trois espèces remarquables (Arvicola sapidus, Castor fiber, Neomys fodiens) est pourtant avérée au sein de l’aire rapprochée (le Crossope est considéré comme présent d’après les sources bibliographiques consultées). Or, la méthode d’analyse, qui porte sur l’évaluation des niveaux d’enjeu espèce par espèce, ne rend pas compte de ce cortège mammalogique atypique présent sur la zone. Le CNPN recommande à ce titre le rehaussement du niveau d’enjeu relatif à ces mammifères à « Très fort » afin de tenir compte de la particularité du cortège en présence.
Pour rappel également l’avis l’Autorité Environnementale de 2017 avant passage au 80km/h
Le gain de temps escompté sur le parcours est estimé à 12 secondes en moyenne (16 secondes en heure de pointe) en 2025. La baisse des accidents corporels espérée est de 32 % sur la période 2025-2045.
L’évaluation ne contient pas d’analyse de la sensibilité ni des risques systémiques ou même d’évaluation monétarisée des bénéfices attendus.
Et de 2023
L’étude d’impact est muette sur les émissions de gaz à effet de serre liées au projet tant pendant la phase travaux qu’en exploitation.
L’Ae recommande d’apprécier les émissions de gaz à effet de serre liées au projet (phase travaux et exploitation) et de proposer le cas échéant les mesures pour les réduire ou les compenser
L’Ae recommande de revoir et d’accroître les mesures de compensation des zones humides affectées par le projet afin d’atteindre au moins les objectifs fixés par le Sdage et de les présenter clairement afin d’en permettre une compréhension aisée par le lecteur.
L’Ae recommande de confier une étude hydrogéologique à un hydrogéologue agréé, pour apprécier les incidences potentielles du projet sur les captages d’eau potable situés à proximité et présenter les mesures prises pour y remédier.
L’Ae recommande de vérifier et corriger le cas échéant les superficies annoncées pour les mesures de compensation.
On remarque aussi que les mesures de compensation sont prévues sur des « parcelles en cours d’acquisition foncière par la DREAL », sans qu’aucune indication de date et mise en œuvre des mesures ne soit donc avancée. Or, la loi prévoit que les mesures doivent être effectives avant le commencement des travaux.
Les décideurs tiendront ils compte de ces avis qui précisent que ce projet n’apporte aucun gain, financier, environnemental ou économique. Il comporte et engendre de nombreux effets négatifs sur l’environnement (destruction d’espèces protégées, de zone humide, hausse des émissions de Co², etc.).